— Cette saison, ma chère Maude, vous serez dans le secret des dieux, si je puis dire... vous pouvez m'être d'une grande aide en devenant mes yeux et mes oreilles. Il n'existe rien de plus inoffensif qu'une fille au physique ingrat. Les gens ne remarqueront même pas votre présence.
Elle repose la brosse, qui claque furieusement sur sa coiffeuse.
— A qui Isabelle adresse-t-elle la parole, avec qui danse-t-elle, qui regarde-t-elle? Quels prétendants lui témoignent de l'intérêt, qui cherche à attirer son attention? C'est cela qui m'intéresse, ajoute-t-elle d'un ton presque féroce. Ma fille se referme comme une huître quand je tente de d'aborder le sujet. Vous êtes vive d'esprit, Maude. Je parie que rien ne vous échappe malgré vos yeux de bovins, conclut-elle, appliquant quelques gouttes de parfum au creux de son cou.
Excellent!
J'ai beaucoup aimé découvrir cette histoire qui nous plonge dans le Paris fin XIXe, avec cette suite imaginée de la nouvelle d'Emile Zola, les Repoussoirs. En effet, à partir de cette nouvelle, Elizabeth Ross s'est plu à décrire le quotidien d'une de ses filles employées comme repoussoirs, soit comme faire-valoir pour promouvoir la beauté d'une autre.
" — C'est un art subtil que celui de repoussoir, poursuit doctement Durandeau. il s'agit en premier lieu de se fondre dans le décor, de se faire passer pour une dame de la bonne société, puis d'inspirer du dégoût aux autres et de mettre en valeur la cliente par ce moyen."
Ainsi nous suivons Maude Pichon, fraichement débarquée de sa Bretagne natale afin d'échapper à un mariage qu'elle ne veut pas et d'une vie qui ne lui convient pas. Comme vous pouvez le constater, notre jeune héroïne ne manque pas de culot quand il s'agit de prendre des décisions. Toutefois, la vie parisienne est loin du rêve qu'elle avait en tête, et son petit salaire de blanchisseuse (joli clin d'œil aux œuvres de Zola au passage), ne parvient pas à la nourrir et à la loger. Heureusement, elle finit par trouver l'annonce du siècle, du moins le pense-t-elle...
ON DEMANDE
Des jeunes femmes
pour faire un ouvrage facile.
Bienséance respectée.
Présentez-vous en personne
à l'agence Durandeau,
27, avenue de l'Opéra, Paris.
Une fois encore, Maude déchante rapidement quand elle comprend ce qui se cache réellement derrière cette annonce, et plus encore au moment où elle est retenue grâce à son "visage insignifiant, parfaitement terne, mais en toute discrétion [...] ce nez en trompette; ces taches de rousseur et ce teint fané ; et ce regard éteint - bovin dans l'expression".
Alors que son orgueil s'étiole à mesure que sa bourse s'allège dangereusement, Maude finit par retourner à l'Agence le moral en berne, mais prête à tout pour parvenir à se faire une place dans la société parisienne et c'est à ce moment que l'aventure commence pour elle.
A côté de toutes les questions que soulève le sujet de la beauté et de ses canons, qui reste très subjectif, l'auteure nous brosse également un portrait relativement juste de Paris où nous suivons en arrière plan la construction de la Tour Eiffel, ainsi que sa société dont les mentalités changent à mesure qu'un nouveau siècle pointe le bout de son nez et que l'on qualifiera plus tard de "Belle époque".
En somme c'est un peu pour toutes ses raisons que j'ai beaucoup apprécié cette histoire, de par son point de départ avec cette suite imaginée de la nouvelle d'Emile Zola, mais aussi avec l'importance de l'Histoire dans ce livre, mais aussi grâce aux personnages mis en scène ainsi qu'à la relation qui va se nouer progressivement entre Maude et Isabelle, que l'on est loin d'imaginer au départ.
Je l'ai reçu il y a peu, celui-là ! J'ai envie de le lire depuis sa sortie :)
RépondreSupprimerVraiment génial. Personnellement j'ai craqué sur la couverture avant même de savoir de qui il traitait xD Je suis faible, mais cela tombe bien puisque l'histoire est tout aussi alléchante que l'est la couverture ;)
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